Pour devenir un informaticien surqualifié comme moi, c'est bien d'avoir été pigiste pendant vingt-cinq ans dans la presse informatique. Ca m'a donné la possibilité de tester presque toutes les merveilles prétendues qui s'y sont alors présentées. En parallèle, je travaillais aussi au traitement informatique des données statistiques de l'Argus de l'automobile. J'ai donc eu la possibilité de me transformer en décathlonien de l'informatique, en manipulant les données les plus hétéroclites avec des logiciels parfois très connus, parfois utilisés seulement par des hyper-spécialistes ou des militants du logiciel libre. Et je me suis nettement mis à préférer les outils puissants à ceux qui sont avant tout conçus pour épater les non-informaticiens. La première chose que ces outils puissants m'ont apprise à faire, c'est qu'avec un peu de compétence on peut vraiment malaxer les données informatiques dans tous les sens: on peut les exploser et les fusionner, les distiller, les raboter, les filtrer, souvent rien qu'avec de tout petits outils logiciels qu'on appelle des moulinettes et que l'on peut apprendre à fabriquer soi-même. En particulier quand on traite des bases de données faites de longues listes plus ou moins détaillées et interconnectées, c'est vraiment une énorme erreur que de penser qu'il n'y a qu'un bon outil pour les traiter. Parfois on a besoin d'un porte-conteneurs, parfois il suffit d'un tout petit seau, mais il faut savoir employer les deux techniques, voire des outils intermédiaires. J'ai acquis un deuxième pouvoir: pour bien adapter les traitements aux besoins d'une entreprise, j'ai appris à les définir moi-même. D'une façon adaptée à un contexte précis, et surtout sans compliquer inutilement! La parfaite adaptation au contexte permet très souvent d'atteindre une productivité très supérieure à ce qu'on ferait avec un logiciel coûteux. Mais pour bien s'adapter à un objectif, il faut être assez virtuose en automatisation. Il faut absolument savoir travailler très vite, mais aussi avec la technique qui le permet le mieux: dans une page web on fait du Javascript, sur un serveur du PHP, et quand on travaille sur une machine qu'on connaît à fond, on fignole avec du C ou du Python. J'ai appris à faire tout cela. Le troisième aspect de ma compétence, c'est je peux rendre service aux gens sans même avoir besoin de me mettre dans leurs pattes. Le moyen vraiment souple pour cela est d'administrer un serveur distant, qu'on peut louer pour pas cher du tout chez des prestataires extérieurs. J'ai travaillé plus de dix ans pour apprendre à faire ça vraiment bien. A notre époque où il suffit d'un téléphone mobile pour avoir un accès à Internet, cela ouvre énormément de possibilités de consultation et de mise à jour, que ce soit pour des employés ou des clients. Pour peu qu'on ait un peu fait mâcher le travail par un informaticien compétent, toutes ces promesses du "cloud" sont désormais à la portée d'une toute petite entreprise. Ce n'est pas parce que je me suis donné autant de mal à acquérir de la compétence informatique que je n'ai plus l'usage de mes qualités journalistiques de fouineur professionnel. Au contraire, l'habitude de chercher des informations précises et actualisées sur le web, y compris quand ça oblige à comprendre plusieurs langues, m'aide tous les jours à résoudre de nouveaux problèmes. Je maîtrise donc les trois super-pouvoirs de l'informaticien compétent: je peux malaxer les données, automatiser leur traitement, et je peux faire ça même à distance, sur le web. Mais ça ne s'arrête pas là: je suis aussi capable de vous expliquer comment vous pourriez le faire sans moi, voire de mettre au point pour vous les bidouilles dont vous seul connaissez la nécessité.