Curieux baptêmes...
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Le temple de Logan (Utah)
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Les Mormons font baptiser leurs ancêtres morts par
l'intermédiaire d'un membre vivant de la famille. Retour sur l'origine
de ce rite singulier, ses raisons, son déroulement.
Les adeptes de l'Eglise des Saints des derniers Jours
baptisent leurs morts. Secret, ce rite se déroule par immersion,
toujours à l'intérieur des temples mormons. Seuls des mormons
considérés comme dignes peuvent recevoir, par procuration, le baptême à
la place des personnes décédées. Un homme agit pour un homme défunt,
une femme pour une femme décédée. Le baptême est réalisé par des
prêtres ou des personnes ayant le pouvoir d'agir au nom de Dieu, dans
des fonts baptismaux créés à cette intention, toujours placés au dos
d'une sculpture des douze tribus d'Israël taillée dans la pierre ou
dans le bronze.
Des morts baptisés pour retourner à Dieu
A l'origine de cette coutume, Joseph Smith, fondateur de l'Eglise des
Saints des derniers Jours. Il aurait reçu des révélations de Dieu lui
indiquant l'importance pour les Mormons de baptiser dans la foi mormone
ceux qui sont retournés à Dieu. Etre baptisé pour retourner vers Dieu
ne s'applique donc pas uniquement aux vivants. Selon J. Smith, de
nombreuses personnes étant mortes sans avoir entendu parler de Jésus
Christ ou de l'évangile mormon, le Seigneur autorise les membres de
l'Eglise mormone à se faire baptiser au nom d'un des membres de leur
famille décédé. Les personnes décédées sans avoir eu connaissance de
l'évangile sont censées pouvoir choisir librement, dans l'au-delà,
d'accepter (ou non) le baptême célébré pour eux, condition préalable
d'entrée dans le Royaume de Dieu. La théologie mormone affirme que le
baptême pour les morts est mentionné dans le Nouveau Testament (1
Corinthiens 15-29). Ce rituel, qui se pratique depuis 1840, ne serait
pas inédit, d'après les Mormons. Ils estiment que certains groupes de
premiers chrétiens ont mis en œuvre cette tradition et l'ont perpétuée
jusqu'à la fin du IVe siècle.
De nombreux défunts sont censés avoir la possibilité de devenir mormons
(du moins on présume qu'ils en usent), quelles que soient leurs
croyances de leur vivant. Ainsi, en mai 2009, il a été établi que la
mère de Barack Obama, Stanley Ann Dunham, décédée en 1995, avait reçu
un baptême posthume dans l'Église de Jésus-Christ des saints des
derniers jours. Christian Euvrard, directeur de l'Institut de religion
de Paris de l'Eglise mormone, confirmait en 2000 à Libération avoir
baptisé «plusieurs centaines» d'ancêtres avec sa famille.
«Cela fait
partie du plan de salut. Nous croyons qu'il y a nécessité que chaque
individu passe par l'ordonnance du baptême.» La cérémonie est toujours
individuelle : «On m'a plongé dans l'eau en leurs nom et place.» Le
baptême est souvent célébré sans les parents vivants, car même si on
est mormon, on n'entre pas facilement dans un temple.
Recherches généalogiques pour recenser les défunts
Selon Bernadette Rigal-Cellier, professeur d'études nord-américaines à
l'université Montaigne (Bordeaux), « grâce à l'efficacité des
recherches des mormons, de cinq à sept millions de morts sont baptisés
chaque année dans les temples. En tout il y en aurait eu plus de 100
millions » (Etude de 2003 Les cérémonies des mormons de nos jours :
mystère et initiation dans le temple, p. 20). Car l'Eglise mormone
entreprend de gigantesques recherches généalogiques à partir de
fichiers d'état civils, afin de recenser les noms, prénoms et dates de
naissance de ses ancêtres, morts sans avoir connu les enseignements de
Jésus-Christ pendant leur vie, et de les baptiser. Chaque mormon
travaille activement à établir sa filiation. Il considère comme une
obligation d'identifier avec précision ses ancêtres afin de les
baptiser et de leur accorder une chance de salut. Sont normalement
exclus les noms de personnes non apparentées, notamment les noms de
célébrités, ou ceux qui le demandent. Ainsi, certaines organisations
juives se sont fortement opposées à cette pratique. A la suite de
concertations, l'Église des Saints des derniers jours a retiré les noms
sensibles (tels ceux des victimes de l'Holocauste) de son Index
généalogique international, afin de préserver de bonnes relations avec
la communauté juive.
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