Le marketing à la mormone
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Les jeunes missionnaires sont formés
pour recruter dans la rue et à domicile.
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Un Livre de Mormon dans une main, un guide d'entretien
dans l'autre, les jeunes missionnaires, les Elder, appliquent
méthodiquement les techniques de recrutement de nouveaux fidèles. Entre
prosélytisme religieux et développement du portefeuille clients, la
limite est ténue.
« Vous croyez en Dieu ? » Le mormon qui recrute à la
sortie de métro va droit au but. Avec son petit accent américain et sa
mine d'oiseau tombé du nid, il écoute à peine votre réponse et poursuit :
« On est étudiants américains, on veut juste discuter. » So cute.
Propres sur eux, la cravate bien remontée, ils font (presque) bonne
impression. L'église ne leur impose pas un objectif de prise de
rendez-vous par semaine, mais c'est tout comme. Il va falloir remplir
son agenda. Pour les aider, les jeunes missionnaires suivent une
formation de trois à sept semaines dans un des quinze centres mormons,
répartis dans le monde entier. Ils y révisent à la hâte
les doctrines
de l'Eglise, apprennent les rudiments de la langue de leur pays de
destination et surtout, intègrent l'argumentaire de séduction des âmes
en quête de spiritualité. Officiellement, « la méthode pour convertir
les fils et filles du monde ». Presque tous les jeunes mormons partent
en mission. Sorte d'épreuve initiatique avant le mariage et l'entrée
dans la vie active. Les garçons sont appelés les Elder, les filles, les
Sœurs. Dans les classes des centres de formation, on peut lire sur les
murs, en grosses lettres : « FRIENDS ». Chacune de ces lettres indique
une qualité que doit cultiver le missionnaire : Friendly (amical),
Respectful (respectueux), Informative (capable de renseigner),
Enthusiastic (enthousiaste), Nonjudgemental (non critique), Dedicated
(dévoué, Spritually prepared (préparé spirituellement).
Décrocher un rendez-vous
Pour « valider » un contact et le transformer en
rendez-vous, tous les moyens sont bons. Première difficulté à surmonter
: convaincre le prosélyte que l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des
Derniers Jours n'est pas
une secte. En France, en cas de scepticisme
persistant de leur interlocuteur, les missionnaires dégainent une
lettre de l'auteur du rapport parlementaire sur les sectes de 1995, qui
atteste de leur innocence. Pas d'alcool, pas de cigarette, pas de café
... l'argumentaire de prise de contact reste centré sur des valeurs
morales, communes à de nombreuses religions. Un discours parfaitement
audible pour tout personne souhaitant adopter une certaine hygiène de
vie. Dans un moment de faiblesse, certains passants (très peu au
final), acceptent de les rencontrer « au calme », pour un entretien à
domicile ou mieux, directement à l'église.
Appâter avec des cours d'anglais gratuits
A l'étape suivante, les jeunes mormons sont guidés pas à
pas pour mener les rendez-vous. En suivant un déroulé d'entretien type,
le prospect est invité à se présenter, à s'exprimer sur ses croyances,
à confier ses doutes, ses peines... bref l'affaire a tout d'une bonne
recette, qui doit mener à la foi. Le versement de la dime (10% de son
salaire) en refroidit généralement plus d'un. La petite brochure remise
par les missionnaires en remet une couche : « Il faut être prêt à
donner tout ce que nous possédons pour l'Eglise de Jésus-Christ des
saints des derniers jours, si on nous le demande. » Difficile à avaler.
« Leur technique ressemble plus à une méthode de vente à domicile qu'à
une démarche chrétienne. Il n'est pas rare que les missionnaires, en
France, offrent des cours d'anglais ou d'informatique gratuits ... ce qui
risque vraiment de tromper l'interlocuteur sur la véritable raison de
leur présence », témoigne un ancien missionnaire sur un forum de
repentis. Mais comment refuser, ils sont si gentils.
Julia Zimmerlich
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